un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde
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Ce matin
notre bouche déborde la mienne
et chante dans mes lèvres
les chansons du matin,
les chansons du retour à la maison,
celles des bras autour de notre cou,
sur le pas de la porte à peine,
sur le pas de la porte toujours.
Notre bouche parle automatique,
parle perruche,
parle relent.
Des sursauts du diaphragme aléatoires
remontent des mots aléatoires.
« Loulou » gazouille notre bouche tantôt,
« café » remonte notre bouche par deux
- par trois
- par quatre fois
- 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 -
« T’as faim ? T’as bien dormi ? »
- 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 -
ça sort tout seul.
Notre bouche parle la mienne,
relent d'air du ventre timbré de voix,
elle me tient compagnie
[merci notre bouche].
Je me demande quelle distance,
combien de kilomètres
a parcouru le sang qui bat dans mon corps
depuis la dernière blague
chevet du lit,
dans l’heure si douce d’avant 9h.
Je me demande si cette distance
que mon cœur a pompé dans mon corps,
je peux la remonter
d’une manière ou d’une autre.
« OUI : EN PIROGUE ! »
me souffle notre petite personne
qui a toutes les solutions en main,
toute la simplicité en monde,
toute la clarté dans les yeux
et nous attend,
de l’autre côté de la rivière
sans s’impatienter,
confiante,
jouant avec un bâton dans l’eau,
montant des cairns de galets,
soigneuse
humble
et pointue,
concentrée du bout du nez.
Quelle distance en sang pompé
à parcourir
pour remonter le temps du corps
jusqu’au moment si cher à vivre,
jusqu’au moment du corps
baigné dans le lait d’arbre tiède
(« c’est un FIGUIER » me crie notre petite personne),
et pourquoi y retourner,
pourquoi remonter le cours violent du sang des veines,
enfreindre la loi de la circulation,
mettre le corps à contrecourant,
faire ravaler au cœur des kilomètres
(PEUT ETRE MILLE)
de sang gras, pourquoi ?
Certainement pas pour faire mieux
ou éviter les erreurs,
pour changer les choses,
rattraper, améliorer, éviter
– même les choses graves, certainement pas.
Même en imagination, on n’annule pas ce qui est arrivé.
Pourquoi alors remonter le temps du corps ?
C’est l’évidence même : pour y être, et puis c’est tout.
𝑌 𝑒̂𝑡𝑟𝑒 dans le présent lacté
qui dilue le monde,
lui prend sa place,
le présent vrai
qui fait sonner clair tous les sons calfeutrés,
sonner chœur d’église le froissement du drap,
sonner éclat de vague sur rocher
l’enroulement matinal de la couette,
sonner éclair d’aout
le clapotement des pieds nus sur le bois vernis du parquet.
Et le soupir de l’éveil dans la voix
derrière la porte de la chambre
est une avalanche lourde,
amplifiée amplifiée,
agrandie en échos,
prenant comme nous la place du monde,
un seul son grave et chaud et bon,
ne faisant que s’amplifier
et ne pouvant faire que ça,
un seul son grave et chaud et bon à boire,
à manger,
à habiter,
à défendre,
à parler la langue de,
à payer en monnaie de,
à mourir pour,
à dormir dans,
à vivre avec,
à se mélanger à,
un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde et bon à être.
Mes mots préférés qui remontent
désarticulés par notre bouche
sont des mots simples :
« bonjour », « café ? »,
ils soutiennent ma voute palais ces mots-là,
c’est pour ça que notre bouche me les colle aux dents,
ils creusent ma cavité bouche,
donnent à ma langue un lit de salive tiède
et doux à habiter.
J’y tiens prunelle,
c’est mes mots préférés à sucer,
mes préférés de bouche.
Si j’avais su !
tu m’aurais demandé
« ce sera quoi ton mot préféré quand tu seras grande ? »
j’aurais dit « anticonstitutionnellement »,
parce que c’est le pire dur,
le meilleur impressionnant.
Ben nan tu vois,
les mots préférés que me parle notre bouche sont simples,
presque invisibles,
c’est dur de les distinguer
du cours d’une vie.
Mais quand la vie est choisie pour bonne,
tenue pour belle,
y a rien de plus important
que ces mots-là.
Et ma bouche automatique rétablit cette phrase
la plus importante,
la remet en ordre
par à-coups
et relents d’air timbrés,
retour automatique de mots,
chaines d’usines rétrofilantes,
cadences inversées,
renvois postaux aléatoires
– bim : 𝑐̧𝑢𝑖 𝑙𝑎̀ ;
bim : 𝑐̧𝑢𝑖 𝑙𝑎̀ –
ma bouche automatique
sort perruche
de mon ventre
et balance pivert
dans mes dents
cette phrase complète
réarticulée,
je me la répète houle
pour m’accompagner
à vivre :
« bonjour loulou, t’as bien dormi, tu veux un café ? »
« bonjour loulou, t’as bien dormi, tu veux un café ? »
« bonjour loulou, t’as bien dormi, tu veux un café ? »