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L'immense charnier abolirons

le monde est 

un grand tas de cadavres

sur lequel toustes sommes assis.e.s

et chacun
en détourne les yeux

du début 

à la fin de sa vie

 

c'est ça qu'il est 

le monde commun de sous tes fesses,

cuisine, route, maison,

- comme ça qu'il tient.

 

hissées au jour 

par un tas de cadavres invisibles 

les moindres choses de la vie

refuse de t'y assoir

mais attention

refuse aussi

d'être à ton tour 

cadavre-portant

pour les cuisines, les routes et les maisons

visibles 

abolirons

l'immense charnier

qui est comme père

et comme mère

pour toute vie

ferons une vie

qui n'ait 

millions

et millions

et millions

[toujours les mêmes]
 

de cadavres
 

à ses pieds

 


 

y a une croix

sur un causse

jaune

que le vent moule rivière

sur une estrade de granit 

grasse de vingt doigts

pleins de poulets

dans une rivière mi-hanche

verte

[elle a des feuilles

plein les cheveux]

sur un balcon cabane

à flanc d'Alpes

droit

vers le fond

de la vallée

le fond fendu, 

la fente froide

sous les châtaignes 

joues glacées

bonnets

assortis 

[attention aux coques vertes

ça PIQUE]

sous les pins

joues brulantes 

casquettes 

assorties

[attention au soleil blanc, 

ça BRULE]

dans les sanitaires craie 

rouleau de PQ

et brosse à dent 
posés par terre

même si c'est sale

[peux rien arriver moi là

peux rien arriver moi 

de mal]

là où mes doigts

sentent la peau d'intérieur

la chaire de ventre 

et l'huile coco

dans le 12 euros la nuit de là 

dans la place de l'église de là bas

dans les aires d'autoroute

(là, elle, celle là)

sur les bords d'autoroute

(lui comme bord)

dans les coins de zone commerciale 

(ce coin ci, lui)

dans les draps blancs de formules 1

(tous)
 

y a une croix

qui marque l'endroit 
X

où la vie que j'occupe

perce le monde

trou le haut 

 

et berce à vie

 

sans réveil possible
 

non

la terre qu'il faut travailler
est une grande mâchoire 

 

la race de celleux qui parlent 
y a ses pieds coincés 

crissent dents contre eux

côté les deux

en entonnoir

on ne parle plus

que par les yeux

"non",

"non", 

"non",

"non".

quatre fois dit 

sans rien peser

alors nous boue

en continue

jusqu'à ce qu'un jour, 

coulée de boue 

lancée à mille

nous carcasse chair 

avec voitures

carcasse en baffe

sols et plafonds

"non" alors 

est chuchoté, 

six cent mille pieds 

plantés racine

fièr.e.s de la ruines définitive

"non" alors

n'est dit qu'une fois

et ce refus s'habitera

nan marci

nan de crever la gueule vide

marci 

ou la gueule pleine 

de dents rongées 

la langue plaie 

d'être la nuit 

mâchée 

pute race

je veux un lit 

se reposer 

tikitikitik takatakatak

je se lève tôt qui d'autre ?

rien pourtant à faire, 

qui ? 

je se réveille qui d'autre ?

trois fois par nuit.

le torse métronome : 

- tikitikitik ... takatakatak...

- mais quoi tu bats toi 

quoi tu rythmes 

quoi tu mesures ? 

je →!... DORS...!←

- tikitikitik...

- takatakatak...

- alors mais 
VA quand même 
BIEN 

TE FAIRE 
FOUTRE en fait

finalement 

quand on y pense

***

arrache à tes nuits ton torse

le trou n'a pas de pouls

pas de rythme à taper 

demain c'est samedi ! 

pas de pouls

pas de pouls

pas de pouls - à côté

gelée travers

tout le monde est libre

et j'ai mal au dos

le ciel foncé 

s'enfonce mes yeux

et me tire avec lui 

pfltlt

dedans

la paroi de gelée creuse

que je regarde 

a des luges

et des baffes

en travers de ma gueule

vivement matin 

où gelée d'œil 

verra travers

vivement matin 

où gelée d'œil 

verra

l'été [CLAC]

tu sais, ma petite race,

comme l'été abime, 

la grande race

part en vacance

et n'en sait rien. 

on le sait, nous, 

ma petite race.

c'est boucherie 

pour nos côtes CLAC

d'une cage thoracique 

on fait trente côtes

vendues au kilo CLAC

dans les mains boucher du monde

nos têtes roulent

et roulent

et roulent

ma petite race, 

et tout est angle

et tout est trou.

équarrissage matin 

puis pulp pulp pulp

le cœur au vent

y aura des mouches 

car c'est l'été 

c'est l'été que revient,

à la faveur du calme, 

pour celleux qui ont la chance

d'être au calme l'été, 

c'est l'été que revient

le viol de sous les ronces

d'il y a dix ans

derrière le temps

tout à coup CLAC

- le voilà face, 

il est devant.

l'été contraste tout,

ombres et reliefs

CLAC

"regarde là, regarde ça".

le ciel est blanc et tout est nu

la mémoire 

pulp pulp pulp au vent

y aura des mouches car c'est l'été

les étés doux reviennent aussi, 

pour celleux qui ont la chance

d'en avoir eu, des été doux, 

ou des plus doux,

c'est douloureux 

comme quand matin

reviennent les matins doux, 

ou les plus doux, 

ceux d'avant la cigarette,

les benzo,

les douleurs au dos

les matins d'avant la veille,

ceux qui étaient une ouverture

et un début.

aujourd'hui traine la veille 

poids le matin,

lui serre cheville, 

l'accroche aux limbes.

et tout pareil à l'été là

colle l'été doux

qui n'est plus là.

le thym se cueillait

- je suis personne -

j'ai baigné le gardon

- je suis personne -

on dormait nu.e.s, 

cafetière matin 

l'herbe mouillée te réveillait 

-je suis personne

crève moi vivante

et crève l'été.

l'adorable et son pendant, la grande mâchoire 

savoir enjamber, 

faire sans et faire avec.

hors le mensonge, 

l'adorable, 

et son pendant

la grande mâchoire, 

il faut savoir ignorer, 

faire sans

et faire avec.

tout est plat, 

le monde tassé

empêche la marche

et quand baboum le torse

jusqu'à soulever la langue

par son dessous,

quand le baboum du torse 

houle la viande bouche,

c'est pour le corps

le destin d'une journée, 

il faut faire sans

et faire avec, 

au moins jusqu'au matin.

les yeux sans accroches 

et les mains fermées, 

les yeux sans accroches

dans la paire qui fait face,

sans pitié,

sans souvenir, 

sans mot aucun, 

sans une pensée, 

les yeux portés comme le nom

et le prix au kilo

d'une marchandise,

pointés sur soi

de cette façon

[DDEUUUXX EUROS

le chiffre et la devise, 

et PLOUPLOUMOUSSE

de son prénom]

et la main

dépouille d'odeurs,

pourtant, à portée,

mais sans odeurs, 

tant pis, 

faire sans

et faire avec.

hors le mensonge, 

l'adorable, 

et son pendant 

la grande mâchoire, 

les corps sont secs

jamais mouillés, 

au revoir se dit 

d'un coup de main 

"ciao, on se dit".

il faut enjamber, 

faire sans

et faire avec,

et merde

moi aussi 

j'y arriverai.

à minuit on dort, 

manger c'est trois fois jour,

l'eau deux litres à ce qu'on dit, 

grand minimum, 

les pieds se chaussent, 

y a pas de rabe, 

il faut faire sans

et faire avec.

le monde vérifié

prenons nos pieds

marchons les

un pas,

  un pas, 

     un pas,

le monde vérifié.

j'enjambe les trous

à pleine cuisse

les yeux → la lune

au corps de l'eau 

bien. vérifié.

je suis 

la plus douce

des amies

l'âge des arbres

grands projets 

petites mains

je suis léna je peux rien 

TGV : le matin quitte paris

quel bonheur

quand partir

se voit 

j'ai l'âge d'un arbre

grands projets petites mains

suis léna

caillou filant

pas projet ni retour mais présence

ça ni progresse ni fait sens

pas justice nan nan nan 

vérité pfffffft

halète halète halète - stop 

→ présence

colle le plus au caillou filant : 

ventre, paume, gras des doigts, 

creux du cou. 

presse poulpe la roche

l'autre présence coupe

soit poulpe là, 

colle le plus au caillou filant

comme ça.

filer haut

filer haut

dormir nue

deux petits bras crème

[je bronze jamais]

pour chauffer mon torse

et ça ira.

va faire froid

je jamais plaindre

:)

c'est prévu

et pas parler

c'est les pieds qui font tout 

marci 

le chemin gniiiii

le passé le bon 

se projette 

en chemin

demain : roule le temps

jusqu'aux figues

tire le temps

pate à sucre 

demain 

[gniiiii]

premier café d'autoroute

le passé le mauvais

est condamné

condamné comme un crime

condamné aussi 

comme une maison.

s'en réjouir.

nous il saute

les genoux aux oreilles

à quatre pieds ploutch les flaques

et nous il crie : 

"au passé le passé !"

"au passé le passé !"

"au passé le passé !"

les flaques sautées

tachent nos pantalons

nous se s'en fiche

[gniiiii]

jetés en boule 

pantalons tache

juste aux pieds butte

du passé ascendant.

bonne pente

ici la rue penche côté maison

côté connu

difficile de trouver l'endroit 

où le sol 

fend la viande des yeux

prune purée

en deux 

[tiens loulou : la moitié]

où l'horizon-bouche

offre un future mouille vouté

c'est paris

[pouahHhH]

chercher la rue qui penche 

→ côté ciel←

comme côté

la peau suffit

sors mon frère

du trou d'argile

où la tête à l'envers

on a bu et bu et bu

droit comme un trait 

à nos propres tétines 

la main qu'on tient

[la petite]

est forte

appuyons nous

sur nos coins durs

soyons

l'un.e l'autre

une solide marche 

à marcher

sors, ma petite race, 

du trou tiède

je te promets

que c'est la peau,

ta propre peau,

comme la mienne,

qui protège

et qu'elle suffit.

dimanche

mon joli mains petites

aux veines tapis

coquille de peau crépon 

creux mon épaule

ce serait bien 

[été torrent]

ce serait bien

[hiver 

et bois coupé

en grand lumière]

si on pouvait 

hors trou

hors manque

se dire "bonjour

mon amoureuxse"

avant la mort 

toute plate

qui vient comme claque

ou comme une date

de péremption

en tout cas

l'été arrive

on le sait à deux.

il arrive tenaille

ou il arrive

comme l'eau

qu'on boit ? 

on le sait 

(toujours à deux)

pas.

En tout cas

En tout cas 

En tout cas

je suis là 

je suis léna 

café, matin, pierre chaude soleil - pierre froide ombre, la limite est parfois autant marquée qu'un corps côté un autre, en tout cas, je continue : il y a café, matin, douceur, la main, je suis léna, pas de prénom mais d'endroit, je donne tout ce qui s'épluche : tête, oeil, bras, coeur, poitrine, jambes, corps, amour (ce mot putain), amour (ça revient), je donne (je recommence) :


tout ce qui s'épluche,

débrouille toi.

présence creux côtes

et là dans la poitrine

la cage à boum cœur

ça compte beurre

que ça palpite ? 

nique si ça compte rien 

si ça vaut clou

nique.

kl kl kl kl kl

donne un peu 

ce qui coute rien 

ce qui prive pas 

donne grand

reçois pareil

sinon

kl kl kl kl kl

la mâchoire épileptique

nous fera 

mourir tristes

l'été nouveau

bras ouverts

au vent salé

je perds toute peau 

c'est l'été 

le monde est par trois fois nouveau

au plein du jour

j'ai envie du plein du jour

pour vivre

et faire aux autres des fêtes de jour

baisers - lieu le jour

caresses aussi

toutes les paroles sont du jour

et il y a du café

toi, 

bienvenue au jour

oiseau trou

trou les limbes

crie même mot 

à toutes les têtes 

dont par malheur

je suis

ne nourris pas cet oiseau là

et sois patiente

au bord du jour

prénom en main

pendant que nait 

(peut-être)

(peut-être)

le prénom face.

mensonge

j'ai plus de goût pour la caverne

pas de penchant oblique

les seins au buste

sont pointés face

et si tu droit dans mes yeux plonge

assure toi d'être toi-même 

de cet esprit

 

sans quoi 

le feu 

t'épluche la peau 

jusqu'au mot vrai 

du cœur milieu : 

"mensonge"

au trou denté

je connais les griffes du trou

les dents du noir

j'ai vu dedans

de plein corps

et je connais comment on sort

après longtemps

et après lourd

j'en reviens droite

alors droite d'œil 

et droite d'épaules 

je dis parole

au trou qui mange

tous les prénoms

"touche le pas, lui"

j'arrache à tes yeux haine

ses yeux cotons

à ta bouche trou

son cou papier

c'est mon frangin 

Dégage.

mains nénuphar

j'aime droit 

sans rougir

les yeux face

je tends des mains nénuphar

au vide

si ça tombe

c'est pas

pour moi 

que c'est 

perdu

ouverts

tiens prends

c'est tout ce qui peut être donné de beau 

si ça se voit pas

c'est que le monde est tôt 

seulement

grimpe

un jour, viens ;

sois toujours là, 

les deux.

mais pas encore -

ça aussi.

je suis plus haute

que tout ce que j'ai connu

et perchée sur mes propres épaules

je vois ce qu'il faut voir

par le bout du haut 

le bout lointain 

qui laisse vivre

et s'étend long

par tous côtés 

je suis l'endroit d'une douceur tiède

ton jour arrive comme une langue

je mets des angles aux pièces

des consonnes dans les mots 

je suis pas comme avant

une boule de boucles 

qui roule au monde

dans les bras les plus chauds

je mets des angles et des consonnes

et ce qui compte je le chéris

le reste,

rien.

pas de fautes quand on avance

on avance.

grimpe.

ça va

projette avec ton bassin tes jambes

et glisse le sol qui troue

ce soir 

dors au chaud

les paupières tirées les yeux tranquilles

le corps rangé

l'été enroule, c'est prévu, crains rien c'est prévu, c'est doux, c'est sans crainte et sans trou

aime toute vérité et couche toi tôt 

ça va.

des fourmis dans les tomates et des tibias moustiques

quand on traine pieds

depuis la houle,

la houle main qui cabosse tête

en coin de meubles

et coin miroirs

et coin de tables

et coin les angles :

angle de pièce, 

angle de lit,

angle jardin

- quand on traine pied 

depuis cette houle, 

on réclame droit : 

UN/

le calme, matin, lieu la houle ventre

DEUXIEME/

l'arrondi creux des mains pour celui des hanches molles

LE TROIS/
un été pour soi, douceur d'herbe et granit mou, rien d'angles, sans coins

QUATRIEMEMENT/

de la joie sinon rien 

avec des fourmis dans les tomates

et des tibias moustiques

un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde

Ce matin

notre bouche déborde la mienne

et chante dans mes lèvres

les chansons du matin,

les chansons du retour à la maison, 

celles des bras autour de notre cou,

sur le pas de la porte à peine,

sur le pas de la porte toujours.

Notre bouche parle automatique,

parle perruche,

parle relent.

Des sursauts du diaphragme aléatoires

remontent des mots aléatoires.

« Loulou » gazouille notre bouche tantôt,

« café » remonte notre bouche par deux

- par trois

- par quatre fois

- 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 -

« T’as faim ? T’as bien dormi ? »

- 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 𝑡𝑜𝑐 -

ça sort tout seul. 

 

Notre bouche parle la mienne,

relent d'air du ventre timbré de voix,

elle me tient compagnie

[merci notre bouche].

Je me demande quelle distance,

combien de kilomètres

a parcouru le sang qui bat dans mon corps

depuis la dernière blague

chevet du lit,

dans l’heure si douce d’avant 9h.

 

Je me demande si cette distance

que mon cœur a pompé dans mon corps,

je peux la remonter

d’une manière ou d’une autre.

 

« OUI : EN PIROGUE ! »

me souffle notre petite personne

qui a toutes les solutions en main,

toute la simplicité en monde,

toute la clarté dans les yeux

et nous attend,

de l’autre côté de la rivière

sans s’impatienter,

confiante,

jouant avec un bâton dans l’eau,

montant des cairns de galets,

oigneuse

humble

et pointue,

concentrée du bout du nez.

 

Quelle distance en sang pompé

à parcourir

pour remonter le temps du corps

jusqu’au moment si cher à vivre,

jusqu’au moment du corps

baigné dans le lait d’arbre tiède

(« c’est un FIGUIER » me crie notre petite personne),

et pourquoi y retourner,

pourquoi remonter le cours violent du sang des veines,

enfreindre la loi de la circulation,

mettre le corps à contrecourant,

faire ravaler au cœur des kilomètres

(PEUT ETRE MILLE)

de sang gras, pourquoi ?

 

Certainement pas pour faire mieux

ou éviter les erreurs,

pour changer les choses,

rattraper, améliorer, éviter

– même les choses graves, certainement pas.

Même en imagination, on n’annule pas ce qui est arrivé.

 

Pourquoi alors remonter le temps du corps ?

 

C’est l’évidence même : pour y être, et puis c’est tout.

𝑌 𝑒̂𝑡𝑟𝑒 dans le présent lacté

qui dilue le monde,

lui prend sa place,

le présent vrai

qui fait sonner clair tous les sons calfeutrés,

sonner chœur d’église le froissement du drap,

sonner éclat de vague sur rocher

l’enroulement matinal de la couette,

sonner éclair d’aout

le clapotement des pieds nus sur le bois vernis du parquet.

 

Et le soupir de l’éveil dans la voix

derrière la porte de la chambre

est une avalanche lourde,

amplifiée amplifiée,

agrandie en échos,

prenant comme nous la place du monde,

un seul son grave et chaud et bon,

ne faisant que s’amplifier

et ne pouvant faire que ça,

un seul son grave et chaud et bon à boire,

à manger,

à habiter,

à défendre,

à parler la langue de,

à payer en monnaie de,

à mourir pour,

à dormir dans,

à vivre avec,

à se mélanger à,

un seul son grave et chaud prenant comme nous la place du monde et bon à être.

Mes mots préférés qui remontent

désarticulés par notre bouche

sont des mots simples :

« bonjour », « café ? »,

ils soutiennent ma voute palais ces mots-là,

c’est pour ça que notre bouche me les colle aux dents,

ils creusent ma cavité bouche,

donnent à ma langue un lit de salive tiède

et doux à habiter.

J’y tiens prunelle,

c’est mes mots préférés à sucer,

mes préférés de bouche.

Si j’avais su !

tu m’aurais demandé

« ce sera quoi ton mot préféré quand tu seras grande ? »

j’aurais dit « anticonstitutionnellement »,

parce que c’est le pire dur,

le meilleur impressionnant.

Ben nan tu vois,

les mots préférés que me parle notre bouche sont simples,

presque invisibles,

c’est dur de les distinguer

du cours d’une vie.

Mais quand la vie est choisie pour bonne,

tenue pour belle,

y a rien de plus important

que ces mots-là.

Et ma bouche automatique rétablit cette phrase

la plus importante,

la remet en ordre

par à-coups

et relents d’air timbrés,

retour automatique de mots,

chaines d’usines rétrofilantes,

cadences inversées,

renvois postaux aléatoires

– bim : 𝑐̧𝑢𝑖 𝑙𝑎̀ ;

bim : 𝑐̧𝑢𝑖 𝑙𝑎̀ –

 

ma bouche automatique

sort perruche

de mon ventre

et balance pivert

dans mes dents

cette phrase complète

réarticulée,

 

je me la répète houle

pour m’accompagner

à vivre :

« bonjour loulou, t’as bien dormi, tu veux un café ? »

« bonjour loulou, t’as bien dormi, tu veux un café ? »

« bonjour loulou, t’as bien dormi, tu veux un café ? »

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